jeudi 9 décembre 2010

Les lycéens de Shanghai classés meilleurs au monde

Tous les 3 ans, l'OCDE mène une grande étude (fondée sur 470 000 questionnaires), le Program for International Students Assessment (PISA) qui évalue le niveau scolaire des lycéens de 15 ans en lecture, math et sciences dans les 34 pays de l'OCDE ainsi que dans une trentaine de "partner countries" et régions incluant notamment les villes de Singapour et de Shanghai dans l'étude 2009.
Ses conclusions sont très intéressantes:
Tout d'abord, Shanghai arrive à la 1e place dans les 3 domaines évalués, surpassant Hong et la Corée du Sud, grands gagnants des études 2006 et 2003.
Selon l'OCDE, cela prouverait que le PIB/tête n'explique pas à lui seul les performances d'un système éducatif. Ce qui compte c'est la politique éducative mise en place.
En mathématiques, plus de 25% des lycéens de Shanghai ont un niveau excellent leur permettant de conceptualiser et de faire preuve de créativité, contre seulement 3% de leurs homologues de l'OCDE.
En lecture, les Shanghaiens sont 19% à atteindre le niveau maximal contre 8% dans l'OCDE en moyenne.
Bien sûr, on peut rétorquer qu'il est injuste de ne considérer que Shanghai et HK, les villes les plus développées de Chine, dont les écoles bien dotées et fréquentées par l'élite urbaine, ne sont pas représentatives du reste du pays.
Mais l'étude PISA évalue aussi les disparités entre écoles et la capacité d'un(e) pays/région/ville à réduire les inégalités scolaires.
Il s'agit donc d'un "wake up call" (signal d'alarme) pour beaucoup de pays riches, estime un responsable de l'OCDE, qui ne se font pas suffisamment d'efforts pour améliorer leurs systèmes scolaires.
En effet, dans le palmarès, la France est terriblement absente, et ce sont les régions de culture confucéenne (en gras) qui sont plébiscitées:
1. Shanghai-Chine
2. Corée Sud
3. Finlande
4. HK-Chine
5. Singapour
6. Canada
7. New Zealand
8. Japon
9. Australie
10. Pays-Bas
11. Macau-Chine
Dans le South China Morning Post, un professeur à Hong Kong commente ces résultats: "Pas étonnant que les 'chopsticks societies' - portant l'héritage du confucianisme- soient au sommet du podium. Elles ont toujours placé l'éducation au premier rang des priorités."
De son côté, le directeur de l'organisation qui dans son éditorial égrène les questions qu'ils faut (oser) se poser quand on évalue un système éducatif :
"Combien sont payés les professeurs par rapport aux autres travailleurs hautement qualifiés? Souhaiteriez-vous que votre enfant devienne professeur? L'école et l'éducation font-elles l'objet de l'attention des médias?"...
Les médias français ont-ils parlé de la publication de l'étude PISA 2009? Pas à ma connaissance...

dimanche 5 décembre 2010

Les travaux de Xu Daowen professeur de Sociologie à l'université de Shenzhen, intéressent aujourd'hui tout le monde. Il est en effet spécialiste des mingong (ouvriers-paysans), cette catégorie sociale méprisée et ignorée jusqu'à très récemment. Les grèves dans l'usine Honda et des suicides chez Foxconn ont révélé les évolutions du lumpen prolétariat chinois.
Comme la stabilité sociale était menacée, le gouvernement a fait pression sur les entreprises du Guandong pour qu'elles augmentent considérablement les salaires. En effet ceux qu'on appelle les mingong ont aujourd'hui, dans le sud de la Chine en proie à une pénurie de main d'oeuvre ouvrière, les moyens d'être plus exigeants que leurs aînés.
Dans la zone de Shenzhen, 60% d'entre eux auraient un niveau lycée selon Xu Daowen. Ils surfent sur le web, s'habillent à la mode, ont des loisirs et ne veulent plus rentrer au village.
Quel contraste avec les mingong pitoyables d'il y a 10 ans portant des chaussons de toile et flottants dans des costumes occidentaux fripés aux manches retroussées.
Or le coût de la vie, notamment à Shenzhen est devenu intenable pour ces jeunes de plus en plus conscients de leurs droits. C'est leurs attentes en matière de protection sociale et de respect en général qui obligent les usines du Delta de la Rivière des Perles à se mettre au niveau si elles veulent recruter.
Dans un passionnant article de 2007 "The need for a new balance in social policy in China"), Xu Daowen dénonce la ségrégation entre urbains et paysans dans la politique de protection sociale chinoise. J'ai déjà évoqué les inégalités du système de retraite dans un article précédent. Xu parle aussi des systèmes de santé et d'éducation: les Chinois des villes sont incroyablement privilégiés par rapport aux ruraux. Depuis 1958, le système du hukou qui prohibait l'exode rural a fait des mingong d'aujourd'hui des "clandestins" dans les villes. Leurs employeurs étaient donc fondés à les exploiter sans merci, et tout le monde a longtemps fermé les yeux au nom de la croissance du PIB.
Xu souhaiterait voir le gouvernement va devoir remettre en cause sa politique sociale à 2 vitesses et invoque le droit à la protection sociale pour la majorité d'origine rurale de la population.
Mais il analyse finement l'inadéquation de cette notion de "droit individuel" dans la culture chinoise. Il rappelle l'idée confucéenne de réciprocité obligée: "la générosité doit être payée de retour" ("une goutte doit être remboursée par un printemps").
En outre, les Chinois considèrent la pauvreté comme une affaire privée, une responsabilité individuelle et rappelle que les milliers de requêtes à l'égard du gouvernement concernent des injustices (expropriations, etc...) mais pas des revendication du droit à l'assistance de l'Etat-Providence.
Enfin l'idéologie "familialiste" qui fait de la famille la seule appartenance rend l'idée de bien collectif abstraite.
Parce qu'en Chine la protection sociale n'est pas perçue comme un droit, seul l'inversion du rapport de force peut permettre, dans certaines zones favorisées comme l'extrême sud du pays, l'instauration de conditions plus favorables aux mingong.