mardi 12 mars 2013

Les universités chinoises en question

Le site web du magazine ChinePlus évoque une "polémique" parue dans le journal cantonais Nanfang Zhoumo: "Chen Pingyuan, professeur de littérature à l'université de Pékin, affirme que la quantité des diplômes délivrés ne doit pas masquer le fait que leur niveau global laisse à désirer. Chen Pingyuan commence par rappeler quelques chiffres. « En 1978, seules 18 personnes ont acquis une éducation de niveau doctorale en Chine. Aujourd'hui, il y en a plus de 200 000 chaque année." [...] Le professeur cite ensuite un article de Wang Hongfei, docteur en chimie à l'université de Columbia (Etats-Unis) et chercheur à l'académie des sciences sociales. Pour Wang, « selon les standards en vigueur à Columbia, 99% des chercheurs, des professeurs et des docteurs avec qui je travaille {en Chine} ne sont pas assez qualifiés. » [...] Pour Chen Pingyuan, de fait, « les professeurs donnent leurs diplômes à des étudiants pas assez compétents. (...) les universités ne sont pas soumises à des règles strictes. Tous les professeurs baissent de plus en plus leurs standards. Les professeurs manquent par ailleurs d'expérience."

Le New York Times dans une série d'articles intitulée "The Education Revolution" rappelle que la le plus grand challenge des universités chinoises est de trouver des professeurs de qualité tout comme les entreprises ont du mal à recruter des managers expérimentés. “The biggest problem is finding good professors, especially good professors of around 40 years old with good experience — they are the most sought-after teachers in China,” selon Nathan Jiang, vice-president de Geely University (établissement privé financé par le constructeur automobile chinois).       
Comme le secteur privé, l'enseignement supérieur doit se contenter de recrues très (trop) jeunes donc inexpérimentées. La Chine a produit moins de 10000 doctorats par an jusqu'en 1999. Donc pour chaque personne ayant obtenu un doctorat dans les années 1990s et qui serait au sommet de sa carrière universitaire, il y a 3000 étudiants.       
Surtout dans l'ingénierie, la discipline la plus populaire, les entreprises concurrencent facilement les facultés. Le salaire de base d'un professeur est généralement inférieur à 230 euros par mois — moins qu'un ouvrier sur une ligne d'assemblage.
Les professeurs peuvent gagner beaucoup plus dans des fonctions d'administration, mais ces postes sont pourvus selon des critères d'activisme au sein du Parti Communiste  plutôt que sur l'excellence de la recherche académique. Ceux qui restent professeurs courent après les multiple bourses et conduisent plusieurs projets de recherche simultanément, ce qui presque inévitablement les conduit à privilégier la quantité à la qualité.
Ou bien, insatisfaits de leur salaire, beaucoup de professeurs créent leur propre entreprises,selon Weng Cuifen, chercheur de la National University of Singapore qui étudie le système éducatif chinois: “They spend their time on second jobs, making money.”
Les méthodes d'enseignement chinoise sont périmées par rapport aux standarts occidentaux, et semblent peu aptes à former les managers agiles dont les multinationales convoitent.
Quelques universités modernes ont commencé à expérimenter les séminaires et workshops. Mais le modèle dominant reste le cours magistral dans des amphithéâtres géants remplis d'étudiants silencieux.      
Some younger teachers like to communicate with the students, but older teachers just stand in front of the students and speak alone,” dit Long Luting, une jeune diplômée de chimie de Tianjin University recrûtée par le groupe allemand BASF.
En 10 ans, la Chine a doublé le nombre d'universités pour atteindre 2,409 institutions d'eseignement supérieur.       
En 1996, 1 Chinois sur 6 terminait le lycée. Aujourd'hui c'est 3 Chinois sur 5. Chaque année 8  millions de diplômés sortent des universités et instituts de premier cycle universitaire (type IUT ou BTS). Ce boom des diplômés ne doit pas masquer la réalité d'un enseignement de médiocre qualité. En fait, l'expérience du Japon montre qu'avoir plus de diplômés ne garantit pas leur créativité. Le Japon a fait un effort énorme d'investissement dans l'éducation, comparable à la Chine, après la IIe guerre mondiale. "But partly because of a culture where fitting in is often more prized than standing out, Japan hit an economic plateau."
      
 Un autre aspect du problème de l'éducation en Chine vient de son extrême élitisme. Une enquête  nationale réalisée très récemment par une université chinoise a montré que parmi les jeunes de 20 ans, ceux détenant un diplôme universitaire ont 4 fois plus de risque d'être au chômage que ceux n'ayant fait aucune études.
Nous avons déjà évoqué dans ce blog le cas des "fourmis", ces jeunes diplômés sans emplois qui ont passé toute leur adolescence à étudier et se retrouvent dans la précarité. Pour des raisons de statut social, jamais ils n'accepteront un emploi ouvrier pourtant bien mieux payé qu'un travail dans un bureau ou un magasin.
“There is a structural mismatch — on the one hand, the factories cannot find skilled labor, and, on the other hand, the universities produce students who do not want the jobs available,” reconnait Ye Zhihong, fonctionnaire de l'Education nationale chinoise. Les écoles professionnelles sont méprisées dans cette culture du statut social. Elles sont perçues comme des écoles pour paysans. Elles n'ont pas bénéficié des investissements consentis à l'enseignement supérieur général et sont toujours au bas de la hiérarchie. Alors qu'il existe une grave pénurie d'ouvriers qualifiés et de techniciens qui cause de nombreux goulots d'étranglement dans l'industrie. Il y a trop d'ingénieurs et de scientifiques, mais ils n'aident pas à améliorer le niveau technique du pays.
 

dimanche 10 mars 2013

Les Chinoises sont des top managers

L'enquête 2013 du cabinet Grant Thornton "Women in senior management: setting the stage for growth" révèle que la proportion des femmes chinoises occupant une position de senior management atteint 51% cette année. C'est le pourcetage le plus élevé au monde, et il a doublé en un an!
La région Asie Pacifique (Japon exclu avec seulement 7% de femmes senior managers!)  domine avec 29% des positions de senior leadership détenues par des femmes, contre 25% pour l'Union européenne, 23% en Amérique Latine et 21% en Amérique du Nord.
Au plan mondial, les 5 postes de senior management dans lesquels on trouve le plus de femmes sont: Direction Financière (31%), Ressources Humaines (30%), Contrôle de Gestion (14%), Direction Marketing (13%) et Direction des Ventes (13%).
Le rapport évoque  de forts blocages culturels à la promotion des managers femmes en Amérique du Sud. On peut s'étonner qu'en Chine, société paternaliste s'il est, ces obstacles semblent ne plus exister. Au contraire, ce qui est mal vu c'est une Chinoise éduquée qui ne travaille pas. Compte tenu des sacrifices consentis pour ses études, et surtout de ses obligations filiales: 养老 yanglao entretenir ses vieux parents, la femme chinoise  semble "libérée", au plan professionnel du moins...
 C'est bel et bien un effet de la politique de l'enfant unique qui, depuis 1979, transfère sur les filles le devoir sacré autrefois réservé aux garçons. Le dilemme de la super-maman culpabilisée dans de nombreux pays occidentaux est résolu en Chine: les grands-parents assistés par du personnel rétribué s'occupent du quotidien tandis que la femme chinoise assume son ambition et grimpe les échelons. En Chine, nul besoin de quotas donc...