mardi 4 janvier 2011

Le système éducatif chinois, suite du débat

Lors de mon récent voyage en Chine, j'ai pu lire de nombreux articles commentant les résultats de l'étude de l'OCDE classant les adolescents shanghaiens au premier rang en terme de niveau scolaire.

A Hong Kong, on est un peu vexé de s'être fait ravir la première place et on s'agace des sempiternelles critiques occidentales reprochant au système chinois d'étouffer la créativité des enfants.

Dans la presse officielle pékinoise, l'autocélébration n'est pas toujours de mise. Epinglant la charge de travail excessive pesant sur les épaules des écoliers et les énormes disparités régionales en matière de ressources allouées à l'éducation, le Global Times (环球时报 huanqiu shibao) du 17 déc. 2010 refroidit l'enthousiasme de l'OCDE.

[Moins de 20% des étudiants des grandes universités chinoises sont d'origine rurale, ce qui révèle in fine le caractère profondément inégalitaire du système chinois.]

"Certes, les élèves chinois font preuve de beaucoup de connaissances et de très fortes capacités à apprendre. Mais c'est le résultat de la pression opérée par l'école, la famille et la société", selon un professeur renommé de l'université Jiaotong de Shanghai, Xiong Bingqi, spécialiste de l'éducation en Chine.

[Et, aimerais-je ajouter, de l'absence totale de problèmes de discipline dans les classes: les professeurs ne perdent pas de temps à essayer d'obtenir le calme...]

"Les élèves chinois travaillent de très longues heures à l'école puis ils enchainent sur des cours supplémentaires le week end et pendant les vacances. Ce serait difficile de ne pas réussir les examens avec un tel entraînement", ajoute-t-il.

Une mère chinoise se plaint du manque d'indépendance et de débrouillardise de son fils de 16 ans qui chaque samedi prend un cours de maths de 3h.
"Je n'aime pas ça, mais l'avenir de mon fils est en jeu."
[Ambivalence des parents chinois qui critiquent les excès du système tout en entretenant la surenchère obsessionnelle.]
Le prof. Xiong milite pour l'allègement du fardeau des écoliers du primaire et un enseignement valorisant le développement de la personnalité, tout en ayant conscience que la tâche est titanesque car elle remet en question tout un système de valeur fermement ancré...
[A Hong Kong, j'ai entendu parler d'un enfant de 10 ans qui après l'école recevait chez lui un tutor (professeur particulier, ce qui est très courant dans les classes aisées) tous les soirs pendant 3h, et enfin vers 22h ses parents lui faisaient réciter ses leçons avant de le laisser s'effondrer sur son lit vers minuit. L'écolier n'avait pas d'amis et souffrait de surpoids car il grignotait sans cesse pour tenir le coup...]
Le même prof. Xiong est cité dans un autre article du NYT http://www.nytimes.com/2010/12/30/world/asia/30shanghai.html?pagewanted=all révèlant que les professeurs chinois sont également soumis à cette pression à la réussite aux examens: "Dans le salaire d'un enseignant, la part fixe représente 70%, les 30% restants sont appelés salaire de performance." explique le chercheur.
L'article décrit les sages élèves en uniformes d'un collège de Jing'an à Shanghai, attentifs malgré les classes bondées, qui lèvent tous le doigt quand on leur pose une question, et se mettent au garde à vous pour y répondre.
Je repense à ce dirigeant d'une grande entreprise chinoise en France m'expliquant qu'ils trouvaient ses collaborateurs français pas assez disciplinés et "trop créatifs":
"Contrairement à vous, les Chinois sont capables de se mobiliser et de se focaliser sur un objectif pour avancer sans divaguer."