lundi 4 mars 2013

Quelques nouvelles des entreprises françaises en Chine

Le magazine Connexion de la CCI Française en Chine est toujours d'excellente qualité. Dan le numéro d'hiver, il donne les résultats d'une enquête réalisée par l'IFOP et la CCIFC sur le climat des affaires en Chine: la moitié de nos entreprises seulement font des bénéfices ou sont à l'équilibre.…48% déclarent que leurs revenus ont progressé de manière significative en 2011. "Les sociétés greenfield annoncent des taux de croissance plus élevé que les autres en 2011. Les sociétés greenfield regardent l’avenir avec plus d’optimisme à la fois en matière d’améliorations dans la productivité et de croissance. Elles se sentent également mieux protégées pour ce qui est de la violation des droits de propriété intellectuelle que les joint-ventures, plus exposés aux problèmes de droits d’auteur et aux conflits d’intérêts."
JF Di Meglio et Madeleine Barbier s'accordent à dire que le modèle de développement chinois repose sur une montée en gamme modérée dans le secteur secondaire. La cible des entreprises chinoises est le marché intérieur et les pays émergents donc le prix de vente doit rester très bas. Au "zéro défaut" occidental est préféré "un taux de défauts supportable". Ce modèle chinois est très bien adapté à la crise économique qui tournent les clients vers des choix court-termistes d'économie à l'achat. Dans les services, une tertiarisation à l'occidentale créerait trop de chômage d'où le choix de services reposant sur une nombreuse main d'oeuvre. 
Interviewée, L.Parisot directrice d'IFOP déclare "même s’il y a eu une évolution tout à fait remarquable dans la maitrise des nouvelles technologies par les Chinois, on ne peut pas dire non plus qu’il y a eu une seule innovation radicalement nouvelle faite ces dernières années par une entreprise chinoise. On constate par ailleurs que le nombre d’illettrés dans le pays a augmenté dans des proportions inquiétantes au cours de la dernière décennie, et la qualité du recrutement est souvent le problème numéro un des entreprises."
 
Enfin, les résultats d'une enquête d'IPSOS sur le leadership dans les entreprises françaises en Chine révèle le décalage entre les attentes des collaborateurs chinois et la perception qu'ils ont de leurs managers, que ces derniers soient Occidentaux ou Chinois: " Pour les salariés des entreprises françaises en Chine, les compétences les plus essentielles chez un leader sont les suivantes : 1- savoir déléguer, organiser, fixer des priorités ; 2- savoir construire des équipes performantes et donner envie de collaborer ; 3- avoir du charisme et de l’influence. Le leader est donc avant tout vu comme un chef d’équipe. Le second volet de l’étude visait à déterminer quelles compétences sont le plus souvent attribuées aux responsables des entreprises françaises en Chine (quels que soient la nationalité et le niveau hiérarchique de ces derniers). Il s’avère que les compétences les plus fréquemment citées (bon relationnel avec la hiérarchie, éthique, persévérance, obtention de résultats) sont bien différentes des compétences jugées essentielles."
Réalisée auprès de 465 personnes, cette enquête confirme ce que mon enquête de 2005 (à une bien moindre échelle) avait révélé: une insatisfaction des collaborateurs chinois quant à leur management. Or on sait bien aujourd'hui que la relation avec le manager est le 1er facteur de motivation et donc de rétention!
Ce décalage entre les attentes et la réalité, qui n'est pas analysé dans l'article, provient incontestablement de la coexistence dans les organisations françaises en Chine, de deux systèmes de valeurs et de pratiques managériales radicalement différentes. Le management occidental est fondamentalement subversif dans les valeurs qu'il véhicule. Il se heurte naturellement à un environnement chinois autoritaire qui est la véritable référence des managers chinois. Ces derniers se retrouvent tiraillés constamment entre des modèles opposés: la délégation et la participation aux décisions ne font pas sens dans un pays où le changement se décide au sommet et où l'harmonie signifie absence de contestation.
D'où l'absolue nécessité, dans chaque entreprise, de travailler à l'hybridation de deux modèles, avec les managers occidentaux bien sûr, et aussi avec les managers chinois. Cela passe par des pratiques innovantes qui permettent de prendre en compte à la fois l'impératif d'efficacité et attentes des Chinois, gage de leur motivation.