mardi 8 septembre 2009

Pour en finir avec le cliché chinois du "Français romantique"

Le Quotidien du Peuple en ligne, reprenant un article du China Business Times se posait cette question cruciale le 2 septembre dernier: "La France est-elle vraiment un pays romantique ?" En Chine, l'adjectif "romantique" ("langman") est le stéréotype systématiquement accolé aux Français. Véhiculé par la littérature (Le comte de Montechristo?), les films de Sophie Marceau, les publicités dénudées vantant la mode et les cosmétiques français, ce cliché répand une image sulfureuse voire décadente dans une Chine qui n'a pas (encore) connu de libération sexuelle type mai 68. Les Français sont donc perçus par le "laobaixing" (Chinois lambda) comme des séducteurs, charmants mais versatiles, impétueux et donc pas très fiables. Forcément cette image les dessert un peu quand ils cherchent à promouvoir leur technologie ou dans la négociation.
Mais dans la suite de l'article, le journaliste s'éloigne ensuite beaucoup de la question du romantisme, et se met à dresser un réquisitoire contre les Français, qui ressemble un peu à un règlement de compte (politique bien sûr) qu'il faut lire entre les lignes. En effet, la liste de défauts ci-dessous n'a pas grand'chose à voir avec le romantisme. Rappellons très succintement que le romantisme est un mouvement artistique et intellectuel du 19e siècle qui rejette le rationalisme et le classicisme, pour exalter les sentiments et le "moi".
Le journaliste, comme presque tous les Chinois découvrant la France, s'étonne de ce que "La plupart des Français ne sont pas tellement diligent, ni assidus, ni laborieux, ni travailleurs. Le bien-être et le mieux-être sont assurés en France qui est un Etat Providence. Quant aux Français, même s'ils restent inactifs et ne travaillent pas, ils peuvent toujours vivre grâce à l'assistance et à la sécurité sociale. En France, tous les magasins et toutes les boutiques sont obligés de fermer leurs portes les jours du Week-end."
En Chine, la qualité de vie (sans parler de la civilisation des loisirs) ne sont pas encore à l'ordre du jour pour l'immense majorité qui s'accroche à l'espoir qu'il n'y a qu'en travaillant dur qu'on peut s'en sortir, et ne bénéficient pas de sécurité sociale.
On observe d'ailleurs que la plupart des Chinois nouvellement arrivés en France désapprouvent notre système social et se rangent bien à droite sur l'échiquier politique. Ce sont de vrais libéraux, comme d'ailleurs les ressortissants des anciens pays communistes d'Europe de l'Est. Notons au passage que la maoïsme n'a pas vraiment altéré l'idéologie à la fois inégalitaire (hiérarchie forte acceptée) et méritocratique du confucianisme: chacun n'a que ce qu'il mérite.
Ajoutée à notre indolence, notre inefficacité est pointée du doigt: "En Chine, pour avoir une carte bancaire, il faut à peu près une demi-journée pour accomplir les formalités. En France, il faut attendre peut-être deux à trois semaines pour la même chose."
Ici la remarque est intéressante car vraie! La pléthore de main d'oeuvre à faible coût et un rapport de force en faveur du client font de la Chine un pays où les choses se font beaucoup plus vite qu'ici. A cela s'ajoute le fait que la définition de l'efficacité n'est pas la même en Chine et en France. Pour les Chinois, c'est résoudre le problème le plus vite possible. Pour nous, c'est le résoudre une fois pour toute. Ce qui implique de prendre le temps d'en chercher la cause et de l'analyser. "Les Français n'ont qu'une idée dans la tête quand ils réfléchissent" , vitupère l'auteur de l'article, qui voit dans cette méthode de travail séquentielle et analytique une ridicule perte de temps. Or c'est la seule qui soit rationnelle pour nous!
Or c'est souvent sur cette question de la "best way"que les conflits franco-chinois se cristallisent. "La majorité des Français croient que la France est le pays du monde le plus civilisé et possédant une culture la plus merveilleuse et la plus estimable. " Observons que les Chinois pensent évidemment la même chose de leur pays, mais, contrairement à nous, ils ne cherchent pas à convaincre le reste du monde d'adopter le même système politique qu'eux. Au niveau micro-économique, la même certitude d'avoir raison anime parfois les industriels français qui managent des équipes et des projets en Chine. Ce qui est interprété par les Chinois comme un manque total de considération pour la relation (la face).
Loin du "political correct", on peut encore lire dans cet article que "les Français détestent faire du travail sale, pénible et fatigant, car le travail de ramassage des ordures ménagères et des détritus sur la voie publique est accompli par des Arabes, tandis que le poste de gardiens revient aux Noirs." Le sous-entendu est clair: les Français se permettent de critiquer la politique chinoise d'oppression des minorités ethniques, mais ils ne font pas mieux chez eux!
Finalement, s'il en répond pas à la question qu'il pose dans le titre, le journaliste donne une image très négative de la France comme pour décourager ses compatriotes de s'y rendre: cessez de rêver à la France!
Pour ma part, je trouve les Chinois extrêmement romantiques, au sens premier, car privés de démonstrations amoureuses sous Mao, ils se rattrapent aujourd'hui comme le révèlent les séries TV, les chansons à l'eau de rose au karaoké, l'importance de la Saint Valentin dans les villes et les jeunes femmes qui se promènent avec des peluches offertes par leurs fiancés.
Surtout, la "culture de face" place le sentiment ("renqing") et la relation (guanxi") au sommet des préoccupations individuelles: extrême sensibilité à l'opinion des autres, attention à ne jamais blesser l'autre...
Chloé Ascencio