mardi 3 décembre 2013

Argent, fortunes et luxe en Asie

Le numéro 67 du trop confidentiel magazine Connexion est consacré au retail: http://www.ccifc.org/index.php/fre/s_informer_sur_la_chine/magazine_connexions/magazine_connexions 

Virginie Fournier de Shanghai Trio décrit le comportement du consommateur chinois dans sa boutique d'artisanat haut de gamme:
"• Le processus d’achat du client chinois commence par une longue et méticuleuse observation. Il inspecte l’objet convoité sous toutes les coutures, le tourne et le retourne, observant le moindre détail avec un soin extrême.
• Puis, une fois convaincu, il se décide brutalement, souhaitant être immédiatement servi.
• Même s’il apprécie les tirages en quantité limitée, garantie d’originalité et souvent d’excellence, jamais il n’acceptera un objet qui a déjà été touché. Au détaillant d’être prêt… même si certains de ses objets n’existent qu’en deux exemplaires."

J'ai bien souvent entendu les responsables de boutiques de luxe se plaindre de touristes chinois qui touchent les sacs et chercher à les en empêcher...Le rapport de force chez nous est inversé en défaveur du client (on le fait attendre, on le rabroue s'il s'impatiente), c'est la logique de l'honneur décrite par d'Iribarne. Or pour vendre aux Chinois il faut probablement accepter d'être en position "basse" avec les devoirs qui s'y rattachent : demander au client chinois de faire la queue à la caisse alors qu'il s'apprête à dépenser beaucoup, c'est lui faire perdre la face.

A ce propos je signale la parution de l'excellent livre "Argent, fortunes et luxe en Asie" (Picquier poche, 2013), ouvrage collectif signé par plusieurs spécialistes: pour la Chine c'est Jonathan Siboni, fin connaisseur de l'univers du luxe, pour le Japon, JM Bouissou et pour l'Inde MJ Zins. J. Siboni explique bien à quel point la consommation de produits de luxe en Chine est étroitement liée à un besoin statutaire, "le luxe est un marqueur social". Et d'évoquer le jade, symbole historique du luxe chinois "un seul regard aux pendeloques de jade que chaque dignitaire portait à sa ceinture suffisait à connaître son rang." Pour dire raffiné, élégant on utilise l'onomatopée" du cliquetis du jade: linglong 玲珑... Néanmoins explique l'auteur, avec l'accroissement du niveau de vie et d'éducation, la féminisation et la "dépolitisation" de la consommation de luxe (c'est à dire en dehors des cadeaux typiques des guanxi politico-administratifs) on observe aussi l'apparition d'un luxe "pour soi" et plus seulement "dans le regard des autres" avec le succès de marque plus confidentielles, aux logos moins voyants.
Notons enfin cette conclusion que je partage: la consommation de produit (de luxe) occidentaux n'est PAS le signe d'une occidentalisation des Chinois, c'est un signe de statut social et de modernité. Voici une clé essentielle dont les entreprises françaises doivent analyser les implications à long terme.