mardi 11 septembre 2012

Un regard chinois sur les Français et l'origine de la mode Confucius

Dans son numéro  papier de juin-septembre, Chine Plus publie les résultats d'une enquête menée par HEC auprès de ses étudiants chinois: "Grands patrons demain, comment ils voient le monde".
Ces membres de l'élite occidentalisée sont étonnés de l'image agressive qu'a la Chine en Occident. The Economist du 4 août 2012 titre par exemple: "Who's is afraid of Huawei" dans lequel le géant des télécoms chinois est perçu comme le vecteur secret de la stratégie milmitaire chinoise, et le Monde Diplomatique de septembre 2012 pose la question "La Chine est-elle impérialiste?". Il faut bien vendre!
 
L'étude d'HEC révèle que les futurs leaders chinois "nous jugent individualistes, peu réalistes et bavards", ainsi que "très peu responsables". Il faut dire que les actifs chinois devront prendre en charge leurs parents à 100% en l'absence de système de retraite. Ils ont donc l'obligation absolue de réussir socialement. Aussi dans l'ordre de leur priorités, la famille vient donc en premier, suivie de la réussite sociale. Le développement personnel arrive en troisième, mais est quand même bien présent contrairement à la génération précédente qui plaçait le développement de la mère patrie au-dessus de tout.

Le goût français du débat et de la controverse leur paraît inutile voire présomptueux. Oui, nous avons bien du mal à nous comprendre avec les Chinois pour qui le courage c'est endurer.

Le bon manager  doit à la fois être "un homme d'autorité" mais aussi "encourager les initiatives individuelles": ce n'est pas un paradoxe. C'est la voie du milieu qu'à pratiquer au quotidien en louvoyant entre les extrêmes de l'autoritarisme et de l'empowerment à l'occidentale.

Les modèles de leadership cité sont (comme d'habitude!) Confucius, Mao et Deng Xiaoping. A propos, signalons l'article excellent que signe Anne Cheng dans le Monde Diplomatique "Confucius ou l'éternel retour". La spécialiste de la philosophie chinoise rappelle que la faveur dont jouit actuellement maître Kong est assez récente. Entre 1860 et 1970, il a été accusé tour à tour par les républicains, les intellectuels occidentalisés (dont Lin Yutang), Max Weber (qui a voulu démontrer l'incompatibilité entre confucianisme et développement capitaliste) puis Mao Zedong (qui a donné à la Révolution Culturelle l'objectif de détruire le confucianisme par la violence) d'un conservatisme coupable du déclin de la Chine.

Mais l'arrivée de Deng au pouvoir en 1978 coïncide avec le décollage économique des "4 dragons asiatiques" (Taiwan, Hong Kong, Singapour, Corée du Sud) dont les "valeurs confucéennes (importance de la famille, respect de la hiérarchie, aspiration à l'éducation, goût du travail acharné, sens de l'épargne, etc.), censées expliquer l'essor d'un capitalisme spécifiquement asiatique, arrivent à point nommé pour remédier à la défaillance du modèle occidental de modernité par son dépassement."
Partie des milieux chinois occidentalisés et anglophones aux USA et à Singapour, "la contagion gagne la Chine populaire" qui "en 1978 organise un premier colloque visant à sa réhabilitation", suivi de la création d'une Fondation Confucius en 1984 qui essaime depuis dans le monde entier. Devenu l'idéologue du régime, Confucius est servi à toutes les sauces: programme politique du PCC, show des Jeux Olympiques de 2008, manuel de développement personnel (Le bonheur selon Confucius") qui "passe sous silence la critique du pouvoir politique contenue dans les Entretiens, et en réduit le message humanite à du "bouillon de poulet pour l'âme", parfaitement conforme au mot d'ordre officiel de stabilisation sociale."