mardi 18 janvier 2011

Les jeunes diplômés en Chine "colonies de fourmis"


Dans son livre "蚁族" (yizu soit "ethnie/clan des fourmis") publié en septembre 2009, le sociologue chinois Lian Si en comptait 1 million dont 10% à Beijing.

Après 2 ans d'enquête, le chercheur publiait un portrait de ces diplômés pauvres. Agés de 22 à 29 ans, "ils gagnent entre 1000 et 2500 rmb/mois, dépensent 377 rmb en loyer et 529 rmb en nourriture mis s'en sortent à peine. Beaucoup travaillent dans les Ventes et la restauration. La plupart n'ont pas de contrat de travail, donc pas de protection sociale. Ils se serrent à 3 ou 4 dans 10 m2 et partagent les toilettes publiques."

Mal logés, ils ne peuvent prétendre à acheter un appartement, qui est souvent le sésame du mariage en Chine. 93% d'entre eux seraient célibataires. Ils ne peuvent donc pas non plus aider leurs parents en contradiction avec la valeur sociale-clé: la piété filiale.

Les universités chinoises ont élargi leur recrutement depuis 1996, mais l'offre de jeunes diplômés excède la demande (qui existe néanmoins, mais pour des gens mieux formés, qualifiés et expérimentés). Les diplômés étaient 5,5 millions en 2008, 6 millions en 2009 et 6,3 en 2010.

Ce surnombre fait baisser les salaires des "fourmis" qui plafonnent en dessous de 2000 rmb. Du coup, ils changeraient de job 2 fois par an. Ils sont obligés de vivre dans les banlieues loin des centre-villes, sans l'appui de leur famille, partageant des appartements minuscules, des caves... Presque comme des migrants mingong!

"Ils vivent comme des fourmis [décrit Lian Si]: intelligents, travailleurs, et agglutinés en colonies dans des lieu insalubres, anonymes et sous-payés."
Le terme fourmi fait aussi référence à la loi de la nature, du plus fort.
Le chercheur vient de publier "Colonies de fourmis II", la suite de son enquête (portant sur 4807 interviews dans 7 villes). Il révèle que presque 30% des fourmis sont diplômées d'universités prestigieuses, soit le triple de l'année dernière, en médecine, ingénierie, économie et management. 7,2% des fourmis possèdent un Master contre 1,7% en 2009. La plupart se plaignent que la reprise économique n'ait eu aucune influence sur leur situation: leur salaire moyen est de 1904 rmb/mois en 2010.
Un rapport officiel soulève le problème social que représente ce phénomène, mais sans vraiment pointer les causes: élitisme effréné qui fabrique de l'échec, mauvaise qualité (contenu et pédagogie) de l'enseignement dans les universités "non prestigieuses", écart de développement énorme entre côte Est et villes de 2nd et 3e rang qui n'attirent pas les talents...
La photo ci-dessus a été prise au bord du lac Houhai à Beijing en décembre dernier. De mon vélo, j'avais entendu de loin des clameurs: "Ba Ling Hou! Ba Ling Hou!" C'était des "nés-après-1980" affublés de tee shirt rouges portant le sigle "80 后" qui scandaient ce slogan symbole de leur appartenance à la nouvelle génération.