mercredi 14 novembre 2012

Fête des morts, piété filiale et stabilité sociale

Les Chinois fêtent aussi leurs morts, mais la première semaine d'avril durant la fête dite de la "lumière pure" 清明节 Qīngmíng jié. Depuis 2008, la Chine accorde 1 jour de congé. A cette occasion les Chinois vont, comme le veut la tradition, nettoyer les tombes de leurs ancêtres pour leur rendre hommage. Pour s’assurer qu’ils ne manquent de rien, les familles leur préparent de la nourriture, de l'encens et de la fausse monnaie en papier 烧纸钱 mais aussi des voitures et des téléphones portables qu’ils font ensuite brûler pour les envoyer aux défunts. Dans les grandes villes, les cimetières sont remplacés par des colombarium où les coffrets renfermant les cendres des défunts sont conservés dans des cases. Les familles viennent chercher les coffrets, et les rapportent après une cérémonie familiale.  

Dans le Classique de la piété filiale, Confucius précise que le devoir le plsu sacré d'un fils, ce qui fait sa valeur morale et donc humaine,c'est la manière dont il s'occupe de ses parents, aussi bien de leur vivant (en le chrissant, leur obéissant et se sacrifint pour eux) qu'après leur mort (en leur offrant les plus belles funérailles possible et en portant le deuil 3 ans).

La coutume de la visite aux tombes familiales, saomu (掃墓), devenue l'activité essentielle du jour de Qing Ming, semble s'être fixée durant la dynastie Tang vers le 7e siècle.  Depuis cette époque, Qīngmíng jié est l'occasion de prouver sa piété filiale, valeur centrale du confucianisme que les Tang ont érigée en loi pénale : un fils refusant de soutenir financièrement ses parents ou de respecter les 3 ans de deuil (fixés par Confucius dans l'Antiquité) en se mariant était durement puni.
Comme nous l'avons déjà évoqué sur ce blog, la piété filiale est toujours au coeur du système de pensée politique et managérial chinois actuel.
Aini le traité du 14e siècle Vingt-quatre exemples de piété filiale attribué à Guo Jujing vient-il d'être remanié dans une version plus moderne, expliquant comment un enfant est censé se conduire avec ses parents.
L'ancienne version relate des contes illustrés dans lesquel des enfants se livrent à des actes héroïques tels que "se vendre comme esclave pour payer un enterrement de son père" 卖身葬父. Dans la version moderne, il est écrit: Payer une assurance santé à ses parents 为父母购买合适的保险. Un petit garçon offre son corps à une nuée de moustiques pour éviter que ses parents ne soient piqués. La version moderne indique: Emmener ses parents faire des check ups médicaux réguliers, fêter leur anniversaire, les emmener au cinéma, etc...
Ne pas laisser ses parents sans argent remplace la légende de Guo Ju  qui s'apprêtait à sacrifier son fils de 3 ans pour nourrir sa vieille mère. 
Le vieillissement de la population conjugué avec l'éloignement des enfants contraints d'aller travailler dans les villes (252 millions de travailleurs "migrants") rend difficile l'exerice de la piété filiale. Aussi les médias modernes peuvent compenser la distance:"Enseigner à ses parents comment se servir d'internet" , "appeler ses parents une fois par semaine".


 


Grand est le décalage entre ces valeurs et la réalité démographique chinoise: les 空巢 nids vides représenteraient plus de 50% des foyers chinois voire 70% dans les grandes villes; Or ne pas donner de descendance à ses parents est un grave manque de piété filiale. Presque la moitié des 185 millions de personnes agées de 60 et plus vivent loin de leur famille et jusqu'à 70% 'entre eux (ruraux) vivent sans pension de retraite. D'où un taux de suicide en pleine croissance chez les plus de 70 ans.
En Occident on considère que c'est le rôle de l'Etat, du système, d'organiser l'avenir des retraités. En Chine, société "familialiste" clanique démembrée par la politique de l'enfant unique, l'Etat a de quoi s'inquièter si le paternalisme fondateur est remis en question. D'où ces tentatives  d'inculquer de la piété filiale par le haut, ces leçons de morale confucéenne aux enfants ingrats qui mettent en péril la sacro-sainte stabilité sociale.