dimanche 5 décembre 2010

Les travaux de Xu Daowen professeur de Sociologie à l'université de Shenzhen, intéressent aujourd'hui tout le monde. Il est en effet spécialiste des mingong (ouvriers-paysans), cette catégorie sociale méprisée et ignorée jusqu'à très récemment. Les grèves dans l'usine Honda et des suicides chez Foxconn ont révélé les évolutions du lumpen prolétariat chinois.
Comme la stabilité sociale était menacée, le gouvernement a fait pression sur les entreprises du Guandong pour qu'elles augmentent considérablement les salaires. En effet ceux qu'on appelle les mingong ont aujourd'hui, dans le sud de la Chine en proie à une pénurie de main d'oeuvre ouvrière, les moyens d'être plus exigeants que leurs aînés.
Dans la zone de Shenzhen, 60% d'entre eux auraient un niveau lycée selon Xu Daowen. Ils surfent sur le web, s'habillent à la mode, ont des loisirs et ne veulent plus rentrer au village.
Quel contraste avec les mingong pitoyables d'il y a 10 ans portant des chaussons de toile et flottants dans des costumes occidentaux fripés aux manches retroussées.
Or le coût de la vie, notamment à Shenzhen est devenu intenable pour ces jeunes de plus en plus conscients de leurs droits. C'est leurs attentes en matière de protection sociale et de respect en général qui obligent les usines du Delta de la Rivière des Perles à se mettre au niveau si elles veulent recruter.
Dans un passionnant article de 2007 "The need for a new balance in social policy in China"), Xu Daowen dénonce la ségrégation entre urbains et paysans dans la politique de protection sociale chinoise. J'ai déjà évoqué les inégalités du système de retraite dans un article précédent. Xu parle aussi des systèmes de santé et d'éducation: les Chinois des villes sont incroyablement privilégiés par rapport aux ruraux. Depuis 1958, le système du hukou qui prohibait l'exode rural a fait des mingong d'aujourd'hui des "clandestins" dans les villes. Leurs employeurs étaient donc fondés à les exploiter sans merci, et tout le monde a longtemps fermé les yeux au nom de la croissance du PIB.
Xu souhaiterait voir le gouvernement va devoir remettre en cause sa politique sociale à 2 vitesses et invoque le droit à la protection sociale pour la majorité d'origine rurale de la population.
Mais il analyse finement l'inadéquation de cette notion de "droit individuel" dans la culture chinoise. Il rappelle l'idée confucéenne de réciprocité obligée: "la générosité doit être payée de retour" ("une goutte doit être remboursée par un printemps").
En outre, les Chinois considèrent la pauvreté comme une affaire privée, une responsabilité individuelle et rappelle que les milliers de requêtes à l'égard du gouvernement concernent des injustices (expropriations, etc...) mais pas des revendication du droit à l'assistance de l'Etat-Providence.
Enfin l'idéologie "familialiste" qui fait de la famille la seule appartenance rend l'idée de bien collectif abstraite.
Parce qu'en Chine la protection sociale n'est pas perçue comme un droit, seul l'inversion du rapport de force peut permettre, dans certaines zones favorisées comme l'extrême sud du pays, l'instauration de conditions plus favorables aux mingong.

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