mercredi 28 novembre 2012

Ce que veulent les consommateurs chinois


Un livre intitulé "What Chinese Want: Culture, Communism and China's Modern Consumer" de Tom Doctoroff, un publicitaire américain vivant en Chine, est paru cette année. Il explique que loin de s'occidentaliser, la Chine construit sa propre modernité qui demeure marquée par un profond patriotisme, une morale confucéenne et le primat de la famille sur l'individu. 
Ainsi une règle d’or du marketing en Chine est l’idée que le bienfait du produit doit être externe et non pas interne même pour les biens de luxe. Célébrer l’individualisme sur le thème familier en Occident de “ce que je veux » ou « ce que je ressens » ne marche pas en Chine ! Par exemple l’automobile doit communiquer l’idée d’un homme en pleine ascension sociale comme BMW l’a compris avec son slogan global "ultimate driving machine", une déclaration d’ambition dans le style chinois.

Parfois la distinction externe et interne peut être subtile. Les spas et autres resorts promettent non seulement la relaxation mais aussi de recharger les batteries (pour pouvoir retourner au travail !). Les laits et aliments pour bébés promeuvent l’intelligence, pas le bonheur. On n’emmène pas les enfants chez Pizza Hut pour qu’ils se régalent de pizza; mais pour les récompenser de leurs résultats scolaires par des "fêtes de triomphe". Les produits de beauté doivent aider les femmes à "aller de l’avant ». Même la bière doit faire quelque chose. En Occident passer du bon temps est un argument suffisant; en Chine la marque Pilsner réunit les gens, renforce la confiance et promeut des gains financiers mutuels !
Pour pouvoir demander un prix élevé (premium), la consommation doit être publiquement mise en scène. Cela expliquerait pourquoi certaines marques ont changé de business model pour se conformer à la règle d'or sur le marché chinois: les Starbucks coffees ne sont plus des oasis de paix dans la ville mais des lieux de rassemblement de la nouvelle génération de cols blancs capable de payer plus de 30 rmb pour une boisson chaude. Haagen Dazs vend (cher) des glaces à plus de 50 rmb à consommer sur place dans ses boutiques des centres commerciaux huppés, pas des boîtes à emporter à la maison. "Product benefits are externalized; brands are a means to an end." comme dit le publicitaire.
Même la passion chinoise pour Noël—avec des centres commerciaux encore plus bondés que d’habitude et des chants en anglais (style jingle bells) omniprésents y compris dans les bâtiments du Parti communiste— met en avant une conception distinctement chinoise. Santa Claus (notre vieux père Noël) est un symbole de progrès; il représente l’aisance du pays dans un nouveau monde globalisé, dans lequel la Chine est déterminée à être présente sans sacrifier l’intérêt national. Noël est devenu le moyen de projeter son statut dans une culture pour laquelle l’identité est inextricablement liée à une validation par l’extérieur (c'est à dire la face dont la taille se mesure dans le regard de l’autre).
Le rêve américain – richesse qui culmine dans la liberté – est empoisonné pour les Chinois. Tandis que les Américains rêvent d’"indépendance," les Chinois sont avides de "contrôle" sur leur propre destinée et de maîtrise des caprices de la vie quotidienne. Les similarités matérielles entre Chinois et Américains masquent des pulsions émotionnelles fondamentalement différentes. Si les marques occidentales peuvent apprendre à connaître et satisfaire le point de vue chinois dans ses propres termes, peut-être que l’Occident peut y arriver aussi.
"Unlike American society, Chinese society never celebrated the liberation of individual potential. The basic productive unit of society remains the clan, not the individual. The pursuit of happiness is an adolescent fantasy, best forsaken by the time the pressure of marriage, mortgage, mother-in-law, and auto ownership come into play."