vendredi 15 juillet 2011

Manager comme Mao?

Le magazine ParisTech Review publie un bon article sur la référence à Mao dans le domaine du management: "Le petit livre rouge des entrepreneurs chinois". Interrogés sur leur modèle de dirigeant, ces derniers évoqueraient souvent le Grand Timonier.



Nous nous étions penchés, dans notre livre paru l'année dernière, sur la question des "modèles" de leadership des nouveaux managers chinois en mal d'un cadre de référence et d'outils théoriques permettant d'appréhender la réalité actuelle d'un développement capitaliste accéléré. L'antique Confucius est une référence très actuelle, notamment pour "l'harmonie corporate", Sun Zi est utilisé pour la stratégie marketing, quelques empereurs sont cités comme Qin Shi Huangdi (pour l'autorité centralisatrice) ou Qianlong, le Mao Zedong visionnaire mais réaliste de la Longue Marche et Deng Xiaoping pour le pragmatisme efficace.



La référence à Mao peut surprendre, c'est un paradoxe qui dépasse les traumatismes de la révolution culturelle, et illustre aussi le mélange du privé et du politique dans l'approche chinoise du leadership.


En effet, comme le dit l'article en question, invoquer Mao est peut-être avant tout un moyen de se légitimer, en dehors de tout lien concret avec une quelconque "pratique maoïste" du management... quoique la tendance au centralisme autoritaire et la culture du secret se retrouvent souvent dans le management chinois...


De même que les successul businessmen chinois sont invités à adhérer au PCC, les apprentis entrepreneurs peuvent prendre des cours de maoïsme dans des universités chinoises... dans lesquels on apprend par exemple que s'adapter au contexte (du marché) c'est faire comme Mao qui encercla les villes par les campagnes (adaptation du marxisme d'origine à une Chine agraire et non-industrialisée).


Si l'article définit la pensée Mao comme "une culture du changement", c'est que le maoïsme est lui-même très imprégnée du taoïsme comme le montre cet aphorisme célèbre: "Toute chose, tout phénomène implique ces contradictions d'où procèdent son mouvement et son développement". Ce qu'il apporte de nouveau, c'est la prime (volontariste et finalement violente) donnée au futur contre le passé et la tradition.


C'est dans le maoïsme aussi que puisent les discours chinois sur l'impérialisme des puissances technologiques qui empêcheraient le développement des pays émergents à coup de brevets. Dans cette guerre impitoyable, ces derniers n'auraient d'autre choix que de contrefaire les innovations des forts. Mao est le grand théoricien de la "guerre asymétrique".

On retrouve d'ailleurs dans le mythes d'origine de grands groupes comme Huawei ou Lenovo l'idée d'un combat inégal (le loup contre les éléphants...).



Il y a aussi, à mon sens, dans les slogans (et banderoles affichées dans les entreprises) rappelant l'époque maoïste, un impératif de rassemblement derrière un chef. Car Mao est avant tout celui qui a rétabli l'unité de la Chine déliquescente et lui a rendu sa fierté nationale.


Les grands patrons chinois utilisent constamment cet imaginaire car dans leur esprit, la réussite actuelle de la Chine tient à sa capacité à se mobiliser dans un objectif unique: le développement économique, avec cette idée que l'autorité incontestée, la discipline sont la clé de l'efficacité...


Et si l'Occident est en déclin c'est, selon beaucoup de Chinois y compris les plus occidentalisés, parce qu'il tolère, en politique comme dans la gestion des entreprises, une dose de "laxisme", d'individualisme contestataire et d'impunité... dont les patrons chinois ont vraiment du mal à concevoir qu'ils puissent produire de l'innovation et de la performance. Et pourtant...