vendredi 18 mars 2011

La Recherche en Chine

On connaît assez mal dans le détail les efforts déployés par la Chine pour se doter d'une capacité de R&D et passer du "made in China" au "created in China".
Un article publié par Gang Xiao, directeur des Nanosciences et Soft Matter, professeur de physique et d'ingénierie à Brown University, USA, nous en dit un peu plus.
Dans le journal de l'American Chamber of Commerce in China, Gang rappelle que la Chine est le 2e pays en nombre de publications dans les revues scientifiques comme "Cell", "Nature", "Science", et même si "la qualité est encore à améliorer", dixit Gang, la tendance est là. La Chine deviendra vite la première puissance en terme de dépôt de brevets.
Les USA ont accueilli en 2010, 57 451 diplômés chinois qui viennent poursuivre leurs études. Or la plupart de ces talents vont retourner en Chine (contrairement à l'auteur de l'article!).
Le ministère de l'Education chinois nous informe en effet que l'année dernière 130 000 Chinois sont revenus dans leur pays après des études à l'étranger (sur un total de 638 000 retours depuis 1978, soit 1/5e en une seule année!). Les appelle-t-on encore les 海龟 haigui (tortues de mer)?
En 2008 le gouvernement a lancé le "Plan des 1000 Talents" 千人计划 qianren jihua pour faire revenir les cerveaux chinois de l'étranger. Les moyens mis en oeuvre sont importants: salaire égal à celui versé à l'étranger, poste de direction dans un institut de Recherche, fond de recherche alloué de 1,5 millions de $, incitations fiscales, logement, etc...
Ce programme, mais aussi le différentiel de croissance entre la Chine et l'Occident sont à l'origine de ce fort retournement de tendance. En 2010, 1143 scientifiques en ont bénéficié. Plus de 150 parcs industriels abritant 8000 entreprises ont accueilli 20000 Chinois de retour de l'étranger.
Selon le Monitor Group, 80 000 PhD chinois spécialisés dans les sciences de la vie auraient déjà bénéficié du "Plan des 1000 Talents".
La force de la future Recherche chinoise repose donc sur des ressources humaines formées principalement aux USA. Outre les moyens mis en oeuvre pour les faire revenir, le gouvernement dépense des sommes colossales pour doper la R&D (87 milliards de $ en 2009) au rythme effréné de 23% par an depuis 2000.
L'effet de masse joue à plein: il y aurait 1.430 000 personnes travaillant dans des instituts de recherche dont 23% de doctorants et titulaires de Masters. Auxquels il faut rajouter les 3.200 000 de personnes travaillant en R&D dans les entreprises en Chine.
Selon Gang, l'autoritarisme du gouvernement peut jouer un rôle positif dans cette politique très volontariste. Mais il pointe aussi les obstacles au développement d'une Recherche chinoise. En effet, la Chine est loin derrière les USA et le Japon en terme de "génération d'idées nouvelles".
Le milieu chinois de la Recherche est dominé par des logiques de pouvoir, de séniorité et de guanxi (au sens de cloisonnement, piston et copinage) qui empêche les jeunes et les Returnees ("fresh blood") de développer une pensée originale, non-conformiste. Les seniors captent les ressources et l'évaluation se fait sur la quantité de publication, non sur leur qualité. La pression à la publication et la course après les financements a causé des problèmes de plagiat ou de recherches "bidons" qui ont décrédibilisé la Recherche chinoise.
Un autre article du sociologue Lin Yi (EspaceTemps.net, Textuel, 12.07.2010) pointe exactement les mêmes travers dans le domaine des sciences sociales. Il y décrit sa perception de l'enseignement supérieur chinois en tant que returnee. Les haigui sont perçus par leurs collègues restés en Chine comme des concurrents dangereux menaçant de leur faire perdre la face en publiant des recherches de meilleure qualité et surtout en critiquant leurs travaux dans le cadre du débat d'idées qui est perçu comme insupportable dans l'université chinoise. Lin Yi incrimine ce qu'il appelle le Confucian guanxixue qui fait système et empêche les avancées des sciences humaines.
Gang précise que ces plaies ne sont pas uniquement propres en la Chine, et révèlent une lacune de management et de bonne gouvernance.
Mais le plus grand obstacle est selon lui le système éducatif chinois. Car même si le niveau en math et physique des élèves est le meilleur au monde, c'est le produit d'un gavage (spoon-fed) et de l'ingurgitation de formules apprises par coeur, tout le contraire d'une pensée libre capable de challenger les paradigmes, et donc l'autorité.
Gang regrette que dans l'une des meilleurs universités de Chine, les étudiants chercheurs n'aient pas accès à internet, outil indispensable des scientifiques, de crainte qu'ils l'utilisent à "mauvais" escient...
Enfin, Gang estimant que la puissance de la Recherche américaine vient de sa diversité culturelle, propose que le "Plan des 1000 Talents" ne soit pas ouvert seulement aux Chinois mais à toutes les nationalités, renouant ainsi avec la tradition cosmopolite de la dynastie des Tang.
En un sens la Chine profite déjà de l'ouverture culturelle incarnée par les scientifiques formés aux USA et qui en tant que Returnees doivent ensuite se réadapter au fonctionnement chinois avec plus ou moins de difficultés...

jeudi 17 mars 2011

conférence "Les 30 ans qui ont changé la Chine" Caroline Puel

L'association des Anciens de Sciences Po Paris vous convie à une conférence de
Caroline Puel
journaliste correspondante en Chine depuis 30 ans (Libération, Le Point, Radio France).
qui vient de publier
"Les 30 ans qui ont changé la Chine, 1980-2010"
éditions Buchet-Chastel
mardi 22 mars 2011
19h
CERI 56 rue Jacob 75006 Paris