mercredi 11 juillet 2007

L'affaire Danone: au-delà du contrat

A Shanghaï, l'affaire est devenue un cas d'école parmi les cadres expatriés des multinationales. Ils découvrent comment une coopération en apparence exemplaire peut tourner à l'aigre. Le fondateur de Wahaha, Zong Qinghou, est un entrepreneur particulier. Il se fie plus à son intuition et à ses réseaux qu'aux études de marché. Il a pour lui son esprit d'entreprise, l'appui de la ville de Hangzou, son appartenance au Parti communiste et surtout un réseau de distribution en Chine. Le mariage a lieu en avril 1996. En échange d'un investissement de 60 millions de dollars, Danone prend 51 % dans le joint-venture. Les premières années, les partenaires apprennent à se connaître. En 1996, M. Zong est invité par Franck Riboud au Festival d'Evian. A plusieurs reprises, il participe par la suite au comité des directeurs généraux du groupe à Paris. Il fait de multiples visites dans les sites de production et le centre de recherche Daniel Carasso de Danone. Il envoie des stagiaires en France.
Mais Zong se plaint de la gestion à distance de Danone. Avec ses rencontres tous les trois mois et ses rapports de faisabilité nécessaires pour chaque investissement, le français n'est pas en phase avec la cadence du marché chinois, juge-t-il. "Il faut réagir beaucoup plus vite aux opportunités", nous raconte Zong, qui lui les saisit, passant outre aux procédures trop lourdes. Il dit aujourd'hui qu'il a pris tous les risques, à savoir que le quart des ventes de Wahaha est le fait de produits fabriqués par des sociétés extérieures au joint-venture et contrôlées par Zong. "En regardant de plus près, on s'est aperçu qu'une vingtaine d'usines était détenue par Zong ou ses proches via un réseau compliqué de sociétés écrans basées dans les îles Vierges", souligne M. Faber. La pratique est, en Chine, au coeur des privatisations menées par Pékin. Une culture très éloignée de celle de Danone et de n'importe quelle entreprise du CAC 40."On peut tolérer un certain nombre de dysfonctionnements qui correspondent à la logique des affaires dans un pays qui se transforme, mais le phénomène de ces fabrications parallèles s'était très fortement accéléré", dit M. Faber. Pour Zong, peu familier des subtilités du contrôle de gestion, la crise de confiance remonte à l'année 2000 : l'entrepreneur revient sur le cas Robust, un concurrent chinois dont Danone prend alors le contrôle. Il estime que Danone a tenté de "limiter le développement de Wahaha" et l'a forcé à partager son savoir-faire avec Robust. En 2005, l'arrivée de M. Faber à la tête de la division Asie-Pacifique de Danone, en remplacement de Simon Israël, en poste depuis 1996, va crisper l'entrepreneur chinois. Agé de 41 ans, l'ancien directeur financier de Danone est l'homme qui monte au sein du groupe. Ce financier au profil de jeune loup exaspère le patron de Wahaha. "Simon connaissait l'Asie et notre culture. On pouvait discuter avec lui. Emmanuel Faber pourrait être mon fils, et ne me respecte pas. J'ai commencé à travailler à 17 ans, il n'était pas né", s'emporte Zong.
"Les rôles ont évolué dans le partenariat. Les Chinois sont désormais capables de faire sans Danone", explique un analyste. Pas l'inverse.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-931389@51-916642,0.html

On peut relever certaines caractéristiques intéressantes qui confirment ce que l'on sait des managers chinois:
- Ils sont tournés vers l'extérieur (le marché, les clients, les fournisseurs) plus que vers l'intérieur (gestion financière, cost control, gains de productivité...)
- ils se comportent en "stratèges" et improvisent avec beaucoup de flexibilité: d'abord observation du contexte et du potentiel (xingshi), et ensuite action. C'est un "management d'opportunités" plutôt que l'application d'un plan déterminé à l'avance
- ils "marchent" à la confiance mutuelle, qui s'entretient par des contacts personnels fréquents, seule garante du respect des contrats par lesquels ils se sentent peu liés.

Professionnaliser la fonction RH: il y a urgence!

D'après une récente étude réalisée par Mercer Human Resources Consulting, 69 pour cent des entreprise chinoises interrrogées ont prévu de faire évoluer la fonction RH pour améliorer sa contribution à la création de valeur dans l'entreprise. Environ 50 pour cent des patrons chinois pensent que les RH devraient dépenser moins de temps dans les tâches administratives et plus dans les activités stratégiques: d'abord se professionnaliser, puis attirer les meilleurs talents et prévoir les remplacements, repenser les process de travail et l'évaluation de la performance.
En effet, il existe un gap énorme entre le niveau de compétence des DRH chinois et les défis qu'ils doivent affronter aujourd'hui. L'université n'a que très récemment ouvert des filières RH car pendant longtemps, on n'attendait seulement du DRH qu'il applique les procédures administratives dans un contexte d'économie dirigée sans marché du travail.