vendredi 5 octobre 2007

interview de Chloé Ascencio dans "Le Monde"

Recruter en Chine ? Pas si simple...
LE MONDE ECONOMIE 01.10.07

our les firmes françaises qui s'installent en Chine, où la main-d'oeuvre apparaît comme abondante, peu coûteuse et docile, recruter et manager le personnel devrait être un jeu d'enfant. Mais le marché du travail chinois est plus complexe qu'à première vue. C'est ce qu'a voulu rappeler Ubifrance, l'agence française pour le développement international des entreprises, lors d'un colloque organisé le 20 septembre. En premier lieu, la nouvelle loi sur le contrat de travail applicable au 1er janvier 2008 apportera quelques changements en matière de protection des salariés : "Elle favorise le recours au contrat à durée indéterminée (CDI), explique Alexandre Vincent, avocat au bureau de Shanghaï du cabinet CMS Francis Lefebvre. Les employés pourront exiger un CDI en cas de deux renouvellements successifs de contrat à durée déterminée (CDD) ; des indemnités de départ sont prévues au terme d'un CDD et la durée des périodes d'essai ne peut excéder six mois." Et l'avocat de mettre en garde : si le Bureau du travail ne contrôle guère les entreprises chinoises, il aime se montrer tatillon avec les sociétés étrangères.
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Ce nouveau cadre réglementaire ne trouble pas outre mesure Dominique Martin, directeur des ressources humaines (DRH) de Dirickx, une PME fabriquant des clôtures et des portails, employant 1 500 personnes, dont 120 en Chine : "Nos salariés bénéficient déjà de CDI, affirme-t-il. Car nous sommes confrontés à un problème de turnover important. De nombreuses usines se construisent dans la périphérie de Pékin où nous sommes installés et les techniciens de maintenance, forts de l'expérience acquise chez nous, peuvent être tentés de booster leur salaire de 20 % en allant dans l'usine à côté qui embauche."
Le problème s'avère encore plus crucial pour les cadres. C'est le paradoxe du marché du travail chinois : près de 5 millions de jeunes diplômés sortiront des universités en 2007, mais 30 % d'entre eux ne trouveront pas d'emploi (restructuration des entreprises d'Etat, volonté de rester dans les grandes villes...). Et bien que les Chinois préfèrent travailler pour les entreprises étrangères, celles-ci sont malgré tout confrontées à des difficultés : "Parce qu'ils ne maîtrisent pas l'anglais et que leur formation n'est pas adaptée aux besoins, la très grande majorité de ces jeunes diplômés ne sont pas employables par ces sociétés, indique Francis Le Van, consultant en management interculturel. Elles s'arrachent donc ceux qui parlent une langue étrangère et qui ont quelques années d'expérience dans une joint-venture."
Mettre la main sur ce petit vivier se trouve néanmoins facilité par la professionnalisation du recrutement : foires à l'emploi organisées par les universités, développement fulgurant des sites Internet (en 2006, ils ont représenté 28 % du marché du recrutement) et des cabinets de chasseurs de tête (+ 30 % par an ; ils sont désormais au nombre de 5 000 dans le pays) : "Nous avons fait appel à un cabinet chinois pour rechercher notre responsable financier, raconte Franck Chevalley, directeur général de Corys, (250 salariés) qui conçoit des simulateurs et a ouvert une filiale en Chine début 2007 employant 15 personnes. La prestation s'est révélée satisfaisante, avec la présentation d'un assez grand nombre de candidats, de profils divers."
Mais une fois la perle rare embauchée, encore faut-il la garder. La fidélisation des salariés chinois devient un enjeu. Jean-Marc Ide, DRH du groupe Manoir Industries, fabricant de tubes centrifugés pour la pétrochimie (2 950 salariés, dont 340 à Yantai où la PME est installée depuis 1994), juge que les cadres sont devenus bien "mercenaires" : "Pour les retenir, il faut les rémunérer dans la fourchette haute des prix du marché. Nous suivons donc attentivement les études sur les salaires pratiqués dans notre région." Cependant, la progression globale des salaires en Chine tend à se ralentir : elle était de 30 % en 1994 et seulement de 7,5 % en 2006.
Outre les avantages pécuniaires complémentaires, d'autres leviers fonctionnent assez bien : "Les cadres chinois, conscients des limites de leur système éducatif, sont très intéressés par les formations, surtout à l'étranger, pour développer leurs compétences et pouvoir faire évoluer leur carrière", indique M. Le Van.
Chloé Ascencio, auteur de Manager en Chine (éd. L'harmattan, 2007), a mené une petite enquête auprès d'une cinquantaine de cadres chinois francophones ayant démissionné : "Ils citent aussi, comme cause, les mauvaises relations avec les managers français, provenant du décalage culturel. Par exemple, ces derniers ne mélangent pas vie professionnelle et privée ; or, en Chine, la relation de confiance s'établit quand on connaît ses collègues, parce qu'on fait des activités extraprofessionnelles ensemble." Bref, les entreprises françaises doivent encore faire des efforts pour s'adapter aux habitudes de travail chinoises.
Nathalie Quéruel

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